Modes de règlement amiable et loi du 23 mars 2019
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a été publié au Journal officiel du 12 décembre. Il précise les cas dans lesquels le demandeur devra justifier, avant de saisir la justice, d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office.
Il s’agit de la continuation du mouvement initié par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.
Cette idée est ancienne.
Le député Prugnon lors de la tribune de l’Assemblée nationale constituante le 7 juillet 1990 énonçait déjà :
« Rendre la justice n’est que la seconde dette de la société ; empêcher les procès, c’est la première et il faut que la société dise aux parties : pour arriver au temple de la justice, passez par celui de la concorde ».
Il faut dire que ces modes de résolution s’avèrent en pratique efficaces.
La solution rendue est plus rapide et surtout plus pérenne en évitant le duo judiciaire GAGNANT/PERDANT.
Il s’agit désormais d’une réelle obligation définie par l’article 4 de la loi du 23 mars 2019 entrée en vigueur le 1er janvier 2020 :
Par rapport à la législation antérieure, la nouvelle loi élargit les hypothèses de recours préalable obligatoire à un mode de résolution amiable des différends.
Ce recours doit désormais précéder toutes les demandes tendant au paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant mais aussi aux demandes relatives à un conflit de voisinage.
Le justiciable aura ainsi le choix entre :
– la conciliation par un conciliateur de justice ;
– la médiation définie par l’article 21 de la loi du 8 février 1995 ;
– la procédure participative.
L’article 4 du décret n° 2019-1333 limite ce recours préalable obligatoire à deux hypothèses :
– pour les demandes tendant au paiement d’une somme n’excédant pas 5000 euros ;
– pour les conflits de voisinage qui doivent s’entendre comme :
– l’action en bornage ;
– les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
-les actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux ;
– les actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du Code civil ;
– les actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
– les contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles L. 512-14 à L. 512-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du Code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;
– les contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.
Toutefois, la loi énonce les situations dans lesquelles il est possible de saisir directement la juridiction sans avoir recours au préalable à un mode de résolution amiable des conflits.
Ainsi :
– lorsque l’une des parties sollicite l’homologation d’un accord (article 750-1 1° du CPC) ;
– lorsqu’un recours gracieux ou une tentative de conciliation préalable est déjà imposée par un texte spécifique (article 750-1, 2° et 4° du CPC)
– lorsque l’absence de de tentative préalable de résolution amiable des différends est justifiées par un motif légitime (article 750-1 3° du CPC)
Cette dernière notion est définie de la manière suivante :
– l’urgence manifeste
La simple situation d’urgence ne saurait être suffisante et il semblerait que même en référé une tentative de résolution amiable du différend soit rendue nécessaire.
– les circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ;
– les circonstances de l’espèce nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement
– l’indisponibilité des conciliateurs de justice « dans un délai raisonnable » qui doit être entendu selon le texte comme « entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ».
Ces conditions sont alternatives.
Cette obligation ne s’applique pas non plus aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du Code de la consommation (c’est-à-dire aux litiges relatifs au crédit à la consommation, crédit immobilier, regroupements de crédits, sûretés personnelles, délai de grâce, lettre de change et billets à ordre, règle de conduite et rémunération et formation du prêteur et de l’intermédiaire).
Les contours de la loi demeurent flous.
Il conviendra aux tribunaux d’en préciser les modalités.
Maître Stéphanie BERGER-BECHE – BERGER AVOCATS & ASSOCIES