Droit de propriété et copropriété
INTRODUCTION
Les récentes évolutions de la loi du 10 juillet 1965, issues de la loi Elan du 23 novembre 2018, de ses décrets d’application ainsi que de l’ordonnance du 30 octobre 2019 réformant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, incitent à s’interroger sur les conséquences des contraintes liées au statut de la copropriété au regard du droit de propriété.
Alors que la valeur constitutionnelle du droit de propriété a été reconnu, en 1982, et qu’il est considéré comme un droit fondamental, celui-ci n’a eu de cesse, depuis lors, de subir des atteintes répétées.1
Pour autant, Florence Bayard-Jammes, dans une thèse qui s’attache à analyser la nature juridique du droit du copropriétaire immobilier2, considère que « le copropriétaire en tant que propriétaire doit bénéficier de la protection attachée au droit de propriété ; son droit est intangible. »
A cet égard, l’auteur cite un arrêt de la 23e chambre de la Cour d’appel de Paris du 28 janvier 1998.3
Dans cette affaire, l’assemblée générale avait décidé que les cloisons séparatives des caves ne seraient pas rétablies après dépose, compte tenu de l’importance de la dépense et que chaque copropriétaire se verrait donc donner une clé du sous-sol pour y déposer des objets sous leur seule responsabilité.
La Cour d’appel de Paris a donné raison à un copropriétaire qui s’était opposé à cette décision, estimant qu’elle constituait une atteinte à son droit de propriété reconnu comme ayant une valeur constitutionnelle ainsi que contraire aux dispositions de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 qui consacre le principe de la libre disposition pour chaque copropriétaire de son lot privatif et qui est d’ordre public.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Sommes-nous toujours dans le droit fil des conclusions prises en 1971 par l’Avocat général PAUCOT, lequel indiquait :
« La copropriété est avant tout une forme de propriété comportant en principe tous les attributs de ce droit réel. Sa structure matérielle implique des aménagements juridiques pour cette vie en commun, pour l’usage des parties communes, comme le droit du voisinage et des servitudes aménageait les rapports entre propriétaires individuels et voisins. Il nous paraît essentiel de rappeler que la copropriété est une forme de propriété (…)».4
Toujours selon Madame BAYARD-JAMMES, la proximité des biens immobiliers en cause et la communauté d’intérêt qui existe entre les copropriétaires justifient la mise en place d’une organisation collective qui transcende les intérêts individuels de chacun ; en matière de copropriété immobilière, l’intérêt supérieur c’est l’intérêt de l’immeuble.
L’organisation collective n’a donc pas seulement pour objet son entretien.
Elle vise son évolution et son amélioration. Elle est ainsi garante du maintien de sa valeur et par-delà de la pérennité des lots de copropriété.
Le droit de propriété, droit réel qui s’exerce sur le lot au sein de l’immeuble, se conjugue voire se heurte donc à cet intérêt supérieur qu’est l’intérêt de l’immeuble.
Mais comme le relevait déjà le Professeur ATIAS lors de la réforme du 31 décembre 1985 de la loi sur la copropriété : « (…) le législateur montre une fois de plus qu’il ne parvient pas à choisir entre une conception de la copropriété où chaque membre du syndicat se comporterait comme un propriétaire actif et responsable et celle d’une organisation collective se substituant aux initiatives individuelles.»5
Or, les récentes réformes, de même que la jurisprudence en matière de copropriété démontrent clairement l’accélération d’une évolution toujours aussi contradictoire, laquelle laisse de plus en plus apparaître la prééminence de l’intérêt de l’immeuble sur le droit de propriété (I).
Toutefois, la jurisprudence veille encore à contenir les restrictions conventionnelles au droit de propriété et il existe en parallèle un mouvement de reconnaissance du droit de propriété ainsi que des droits qui sont accessoires à celui-ci (II).
I – L’INTÉRÊT DE L’IMMEUBLE ET LE DROIT DE PROPRIÉTÉ DU COPROPRIÉTAIRE SUR SON LOT
A – ARTICLE 9 : TRAVAUX D’INTÉRÊT COLLECTIF
1) Les travaux privatifs d’intérêt collectif
En application de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il en use et en jouit librement, de même que des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni au droit des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.
Il s’agit donc d’un principe qui souffre de nombreuses exceptions, celles-ci se multipliant.
Le 12 juillet 2010, la loi portant « engagement national pour l’environnement » dite Grenelle II, a été promulguée.
Une des innovations majeures de Grenelle II est de prévoir la possibilité pour une assemblée générale de copropriétaires, de voter des travaux sur les parties privatives dès lors qu’ils présentent un intérêt collectif.
Ainsi, les travaux d’économie d’énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre peuvent comprendre des travaux d’intérêt collectif réalisés sur les parties privatives et aux frais du copropriétaire du lot concerné, sauf dans le cas où ce dernier est en mesure de produire la preuve de la réalisation de travaux équivalents dans les dix années précédentes.
Pour la réalisation des travaux d’intérêt collectif réalisés sur les parties privatives, le syndicat exerce les pouvoirs du maître d’ouvrage jusqu’à réception des travaux.
Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application de ces dispositions.
Il s’agit du décret n° 2012-1342 du 3 décembre 2012.
Pour ce type de travaux, seule la majorité de l’article 25 doit être appliquée ; c’est en effet la loi Élan qui est venue unifier la majorité à appliquer pour les travaux d’économie d’énergie qui se distinguaient autrefois selon qu’ils étaient décidés à l’occasion de travaux affectant les parties communes ou non.
Il faut donc comprendre que ces travaux d’économie d’énergie ou de réduction des gaz à effet de serre peuvent être imposés à un copropriétaire dans son lot privatif et à ses frais dans l’intérêt collectif des autres, pourvu que cette majorité absolue soit acquise.
Le décret n° 2012-1342 du 3 décembre 2012 précise la liste de ces travaux d’intérêt collectif portant sur les parties privatives (Code de la construction et de l’habitation, art. R 138-2).
Il s’agit de :
- a) « Travaux d’isolation thermique des parois vitrées donnant sur l’extérieur comprenant, le cas échéant, l’installation de systèmes d’occultation extérieurs ;
- b) Pose ou remplacement d’organes de régulation ou d’équilibrage sur les émetteurs de chaleur ou de froid ;
- c) Équilibrage des émetteurs de chaleur ou de froid ;
- d) Mise en place d’équipements de comptage des quantités d’énergies consommées. »
Les travaux ainsi réalisés sur les parties privatives, sous la maîtrise d’ouvrage du syndicat des copropriétaires, sont imputables au seul copropriétaire concerné, par application de l’article 10-1 c) de la loi du 10 juillet 1965.
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 10, sont imputables au seul copropriétaire concerné :
(…)
c) Les dépenses pour travaux d’intérêt collectif réalisés sur les parties privatives en application du c du II de l’article 24 et du f de l’article 25 ; »
Ainsi, le coût global des travaux de rénovation concernant les parties privatives ne peut être réparti en tantièmes entre les copropriétaires concernés.
L’article R 138-3 nouveau du Code de la construction et de l’habitation précise les modalités d’application de ces dispositions, lesquelles devraient combiner à la fois la maîtrise d’ouvrage faite par le syndicat des copropriétaires et le droit de propriété du copropriétaire concerné.
Il est précisé :
« Dès lors que de tels travaux sont votés, les copropriétaires concernés sont tenus de les réaliser dans un délai raisonnable en fonction de la nature et du coût des travaux, sauf s’ils sont en mesure de prouver la réalisation de travaux équivalents. Le syndicat des copropriétaires procède à la réception des travaux en présence des copropriétaires concernés. En cas de réserves, le syndic de copropriété assure le suivi et la réception des travaux destinés à permettre la levée des réserves. Après réception définitive des travaux, le syndic de copropriété adresse aux copropriétaires concernés, par lettre recommandée avec avis de réception ou par voie de remise contre émargement, les pièces et documents relatifs aux travaux, notamment le contrat de l’entreprise, le ou les procès-verbaux de réception et, le cas échéant, les attestations des assurances prévues aux articles L. 241-2 et L. 242-1 du code des assurances afin que chaque copropriétaire puisse utilement mettre en œuvre les garanties à la charge de l’entreprise ».
Il s’agit donc d’une atteinte importante au droit de propriété sur les parties privatives du lot.
Ce droit est en effet reconnu par l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 lequel pose le principe de la libre disposition par chaque copropriétaire des parties privatives comprises dans son lot.
Mais désormais, l’ordonnance du 30 octobre 2019, qui entrera en vigueur le 1er juin 2020, modifie encore les dispositions de l’article 9 pour admettre de nouvelles dérogations au droit de propriété sur la partie privative du lot.
2) Nouveaux travaux d’intérêt collectif issus de l’ordonnance du 30 octobre 2019
L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 est profondément modifié par l’ordonnance du 30 octobre 2009.
L’article 9 pose en effet le principe en son alinéa 1 en précisant que « chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble. »
Mais à partir de l’alinéa 2 surviennent les dérogations au principe, mais dans des conditions limitées et dans des cas très circonscrits.
L’alinéa 2 prévoit en effet que « si les circonstances l’exigent et à condition que l’affectation la consistance ou la jouissance n’en soit pas affecté de manière durable, aucun des copropriétaires ne peut faire obstacle à l’exécution, même à l’intérieur de ses parties privatives, des travaux régulièrement et expressément décidés par l’assemblée générale (…)»
Or, jusqu’à l’ordonnance du 30 octobre 2019, il était interdit à un copropriétaire de faire obstacle à l’intérieur de ses parties privatives, à l’exécution de travaux limitativement énumérés.
Ils étaient circonscrits aux travaux régulièrement décidés par l’assemblée générale en vertu des articles 24 II a) et b) et 25 f) g) et o), de même qu’en vertu de l’article 30, à savoir :
- les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants,
- ceux rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires,
- relatifs aux économies d’énergie ;
- à la suppression des vide-ordures pour des impératifs d’hygiène
- ceux concernant l’individualisation des contrats de fourniture d’eau
- les travaux d’amélioration.
Désormais, en vertu de l’ordonnance du 30 octobre 2019, l’article 9 modifié prévoit qu’un copropriétaire ne peut faire obstacle à l’exécution, « même sur ses parties privatives », de travaux « d’intérêt collectif » régulièrement et expressément décidés par l’assemblée générale.
Aux termes du rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance, publié le 31 octobre 2019, il apparaît que l’objectif est d’élargir l’interdiction de faire obstacle à la réalisation de tous les travaux régulièrement et expressément votés par l’assemblée générale, sans recourir à une liste limitative.
Mais la difficulté d’application du texte provient du fait que l’ordonnance ne définit à aucun moment la notion de « travaux d’intérêt collectif ».
On aurait pu penser que cette terminologie renverrait donc à une définition résultant d’autres dispositions légales ou réglementaires.
Or, les seuls travaux d’intérêt collectif définis à ce jour sont ceux pouvant déjà être effectués dans les parties privatives, conformément à la loi Grenelle II n° 2010-788 du 12 juillet 2010 et à son décret d’application du 3 décembre 2012 que nous avons évoqués précédemment (supra).
Cependant, comme nous l’avons vu, ceux-ci sont strictement limités, par le décret précité, aux travaux d’isolation thermique des parois vitrées, à la pose ou le remplacement d’organes de régularisation, à l’équilibrage des émetteurs de chaleur ou de froid et à la mise en place d’équipements de comptage des énergies consommées.
Or, l’ordonnance a pour but d’étendre et non de restreindre les travaux concernés.
Elle ne peut donc renvoyer à ces travaux, d’autant qu’ils suivent déjà un régime distinct et autonome car ils constituent en réalité ce qu’on a pu appeler « des travaux privatifs d’intérêt collectif ».
Leur montant est à la charge du copropriétaire concerné même si le syndicat des copropriétaires en est le maître d’ouvrage, en application des dispositions de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 (d’ailleurs non modifiées sur ce point).
Dans ces conditions, l’article 9 nouveau de la loi du 10 juillet 1965 ne définissant pas la notion de travaux d’intérêt collectif à laquelle il se réfère, il sera difficile à défaut de décret d’application, d’en appliquer les dispositions, sans que le juge se voit obligé d’en définir les contours.
En effet, tous les travaux décidés par l’assemblée générale, en dehors des autorisations données à un copropriétaire de les effectuer à ses frais dans le cadre de l’article 25 b, peuvent par définition relever de l’intérêt collectif du moment qu’ils rentrent dans l’objet du syndicat des copropriétaires, tel que défini par l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, lequel est de surcroît étendu désormais à l’amélioration de l’immeuble (cf. infra).
L’article 9 prévoit cependant que lorsqu’il existe une autre solution n’affectant pas cette partie privative, la réalisation de tels travaux ne peut être imposée au copropriétaire concerné que si les circonstances le justifient.
Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que contrairement à l’objectif poursuivi qui est de limiter le contentieux, celui-ci risque au contraire de s’aggraver ; le copropriétaire concerné pouvant tout à la fois contester l’intérêt collectif prétendument attaché aux travaux et estimer insuffisamment justifiées les circonstances empêchant la mise en œuvre d’une solution alternative.
Heureusement, les copropriétaires qui subissent un préjudice par suite de l’exécution des travaux peuvent obtenir une indemnité dans les mêmes conditions qu’auparavant.
L’article 9 modifié y ajoute même une disposition innovante puisqu’en cas de privation totale temporaire de jouissance du lot, l’assemblée générale accorde au copropriétaire qui en fait la demande, une indemnité provisionnelle à valoir sur le montant de l’indemnité définitive.
B – DISPARITION DU DROIT DE JOUISSANCE PRIVATIF A DÉFAUT DE MISE A JOUR DU RÈGLEMENT DE COPROPRIÉTÉ DANS LE DÉLAI DE 3 ANS A COMPTER DE LA LOI ÉLAN
1) Définition du droit de jouissance privatif comme droit réel accessoire du lot
La notion de parties communes à jouissance privative, création de la pratique, reconnue par la jurisprudence depuis très longtemps, n’était pourtant pas intégrée dans la loi du 10 juillet 1965 jusqu’à présent.
C’est désormais chose faite depuis la loi ELAN du 23 novembre 2018, puisque l’article 6-3, alinéa 1er, nouveau, de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que « les parties communes à jouissance privative sont les parties communes affectées à l’usage et à l’utilité exclusifs d’un lot. Elles appartiennent indivisément à tous les copropriétaires ».
La loi intègre la jurisprudence intervenue dans des arrêts de principe concernant le droit de jouissance privatif, en précisant que ce droit est nécessairement accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché et qu’il ne peut en aucun cas constituer la partie privative d’un lot.
Il semble donc que l’article 6-3, nouveau, vise le droit de jouissance privatif comme constituant un droit réel attaché au lot.
On peut en conséquence s’interroger sur le maintien et le devenir du droit de jouissance privatif conféré à titre personnel de façon provisoire pourtant reconnu par la jurisprudence.
La même question se pose concernant le droit de jouissance conféré, non par l’état descriptif de division ou le règlement de copropriété, mais par une décision d’assemblée générale.
En effet, à l’instar des parties communes spéciales, « l’existence de parties communes à jouissance privative est désormais subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété », en vertu de l’article 6-4 de la loi du 10 juillet 1965.
2) Mise en conformité du règlement de copropriété
Dans cette perspective, et en vertu de l’article 209, II, précité, les syndicats de copropriétaires disposent d’un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi Élan, soit jusqu’au 23 novembre 2021 pour mettre en conformité le règlement de copropriété avec ces dispositions, le syndic devant inscrire à l’ordre du jour de chaque assemblée générale, dans ce délai, la question de la mise en conformité du règlement de copropriété, cette décision devant être prise à la majorité de l’article 24.
Dans ces conditions, on peut redouter la disparition du droit de jouissance privatif pourtant attaché au lot mais dont le titre constitutif résulterait d’une décision d’assemblée générale.
Dans de telles circonstances, son titulaire devra solliciter, dans ce délai, la mise à l’ordre du jour du modificatif du règlement de copropriété de manière à ce qu’une mention expresse y soit portée.
À défaut, le droit de jouissance pourrait être gravement fragilisé et menacé de disparition.
II – A CONTRARIO, RECONNAISSANCE OU RENFORCEMENT DU DROIT DE PROPRIÉTÉ ET DES DROITS ACCESSOIRES QUI LUI SONT ATTACHÉS
A – LIMITATION AUX RESTRICTIONS CONVENTIONNELLES DU DROIT D’ALIÉNER OU DE LOUER
Certains règlements de copropriété peuvent comporter des clauses prohibant le droit de vendre séparément certains lots en dehors du lot principal auxquels ces lots sont considérés comme étant attachés.
Il s’agit le plus souvent de chambres de service, de garages ou parkings, de caves.
Ils ne peuvent être librement aliénés.
De même, le règlement de copropriété pourra interdire de les louer « à des personnes étrangères à l’immeuble » ou imposer qu’ils soient pris à bail en même temps que le lot principal.
Enfin, en application de l’article 8-1 de la loi du 10 juillet 1965, le règlement de copropriété peut dans certains cas (règles d’urbanisme imposant la réalisation d’aires de stationnement) prévoir une clause instituant un droit de priorité aux copropriétaires à l’occasion de la vente de lots à usage exclusivement de stationnement.
1) Limitation aux restrictions du droit d’aliéner
En application de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 « le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de ceux qui seraient justifiés par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par son caractère ou sa situation ».
L’article 8 est d’ordre public.
Toutes clauses contraires aux dispositions d’ordre public de la loi du 10 juillet 1965 et de son décret d’application sont réputées non écrites en application de l’article 43 de la loi.
Le juge saisi peut donc déclarer non écrite une clause du règlement de copropriété limitant ou interdisant le droit d’aliéner.
Mais la licéité d’une clause restreignant les droits des copropriétaires s’appréciant au regard de la destination de l’immeuble, celle-ci sera le plus souvent liée à son standing.
En conséquence, une clause, licite dans une copropriété très résidentielle, sera illicite dans un immeuble de catégorie inférieure.
Or, la frontière entre un immeuble de grand standing et un immeuble de standing plus moyen est souvent difficile à définir et reposera sur des éléments d’appréciation subjectifs.
La destination de l’immeuble est de surcroît évolutive et n’est pas figée dans le temps.
La jurisprudence retient donc parfois que la destination de l’immeuble a évolué dans le temps, et qu’une clause, licite à l’origine de la copropriété, a perdu sa légitimité du fait de modifications intervenues par exemple dans le quartier ou l’immeuble lui-même.6
2) Limitation aux restrictions du droit de louer
La jurisprudence concerne surtout les locations meublées de courte durée.
En effet, la jurisprudence a limité dans un premier temps les restrictions au droit de louer en meublé de courte durée.
C’est ainsi que dans une décision très remarquée du 8 juin 2011, la Cour de Cassation a décidé que la clause du règlement prévoyant de soumettre la possibilité de louer son lot en meublé à l’autorisation de l’assemblée générale devait être réputée non écrite, les nuisances occasionnées par la location de courte durée n’étant pas différentes de celles d’une activité de profession libérale, autorisée par le règlement de copropriété.
Mais la jurisprudence a récemment évolué, à mesure du développement de la location de type Airbnb.
C’est ainsi que la Cour d’appel de Paris a considéré que la location touristique s’apparentait à de véritables prestations commerciales d’hôtellerie contrevenant à la clause d’habitation bourgeoise.7
Dans la lignée de cette décision, la Cour d’Appel de Paris a également jugé que le règlement de copropriété, prévoyant que l’immeuble était à destination mixte mais que toute occupation commerciale était exclue pour les étages supérieurs, toute activité de location saisonnière devait être interdite.8
Enfin, la Cour de cassation a récemment retenu qu’une location peut s’apparenter à des prestations commerciales incompatibles avec le règlement de copropriété qui exclut toute activité commerciale.9
Cette évolution de la jurisprudence voit s’amenuiser progressivement en la matière les anciennes limitations jurisprudentielles aux restrictions prévues par le règlement de copropriété.
Ces limitations posées par la jurisprudence permettent pourtant de contenir les restrictions du règlement de copropriété au droit de propriété qui ne seraient pas justifiées par la destination de l’immeuble, notion clé en la matière.
B – RECONNAISSANCE DU DROIT D’EXÉCUTER DES TRAVAUX D’AMÉNAGEMENT AFIN D’ACCESSIBILITÉ PAR L’ORDONNANCE DU 30 OCTOBRE 2019
Deux articles 25-2 et 25-3 nouveaux sont insérés après l’article 25-1 par l’ordonnance du 30 octobre 2019 qui entrera en vigueur le 1er juin 2020.
Les dispositions de l’article 24 II e) permettant à un copropriétaire de solliciter l’autorisation de l’assemblée générale de réaliser, à ses frais, des travaux d’accessibilité, sont partiellement transférées au sein de l’article 25-2.
Mais les règles de majorités et les dispositions en sont très substantiellement modifiées.
Désormais, chaque copropriétaire peut faire réaliser, à ses frais, des travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble.
A cette fin, le copropriétaire notifie au syndic une demande d’inscription « d’un point d’information » à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, accompagnée d’un descriptif détaillé des travaux envisagés.
L’assemblée générale ne peut s’opposer à la réalisation de ces travaux, que par -l’atteinte portée par les travaux à la structure de l’immeuble ou à ses éléments d’équipement essentiels ou leur non-conformité à la destination de l’immeuble.
La majorité est donc inversée, l’assemblée générale devant réunir la majorité de l’article 25 pour refuser ces travaux.
Il s’agit, en quelque sorte, d’une nouvelle majorité.
En effet, jusqu’à présent, il s’agissait d’une majorité d’approbation et non de refus.
On peut s’interroger en conséquence sur ce qu’il peut advenir d’un refus recueillant au moins le tiers des voix des copropriétaires.
Il semble qu’il serait permis de rejeter les travaux en ayant recours à la passerelle de l’article 25-1.
En revanche, l’article 30 de la loi réservant la possibilité de saisine du juge à cette fin pour les seuls travaux de l’article 25 b) et non 25-2, il ne sera pas possible, en cas de refus de l’assemblée générale, de solliciter une autorisation judiciaire en matière de travaux d’accessibilité.
1 Décision du Conseil Constitutionnel du 16/01/1982 : JO 17/01/1982, p. 299). (V.H. PAULIAT : l’objectif constitutionnel de droit au logement décent : vers le constat de décès du droit de propriété ? Dalloz 1995, chron.
2 Florence BAYARD-JAMMES : « La nature juridique du droit du copropriétaire immobilier, analyse critique », L.G.D.J 2003
3 L’Info. Immob. Décembre 1998
4 Concl. sous cass. 3e civ. 11 mars 1971, 2 arrêts, JCP éd. G. 1971 II 16722
5 C.ATIAS : « Une réforme dans le droit de la copropriété des immeubles bâtis » (Loi n° 85-1470 du 31 décembre 1985 ; LPA 30 juin 1986, p 8, spec. p. 10. ; op., cit. Florence BAYARD-JAMMES : « La nature juridique du droit du copropriétaire immobilier, analyse critique », L.G.D.J 2003
6 CA Paris, 19e ch. B, 27 mai 1992 : JurisData n° 1992-021412 – CA Paris, 19° ch. B., 9 févr. 2006 : AJDI 2006, p.473
7 Cour d’Appel de Paris- 11 Septembre 2013
8 Cour d’appel de Paris 15 juin 2016
9 Cass. 3ème civ. 8 mars 2018