La mise en concurrence du contrat de syndic
L’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 a été modifié et complété par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 dite loi ALUR, applicable depuis le 27 mars 2014.
Ainsi, lorsque l’assemblée générale est appelée « à se prononcer sur la désignation d’un syndic », celle-ci est précédée d’une mise en concurrence, par le conseil syndical, de plusieurs projets de contrat de syndic, faisant notamment état des frais afférents au compte bancaire séparé.
Cette mise en concurrence n’exclut pas la possibilité, pour les copropriétaires, de solliciter parallèlement du syndic d’inscrire à l’ordre du jour l’examen des projets de contrat de syndic qu’ils communiquent.
Nous analyserons les difficultés pratiques liées à la mise en concurrence du contrat de syndic à l’exclusion des dispositions spécifiques relatives à la mise en concurrence du syndic provisoire régie par l’article 17 de la loi du 10 juillet 1965.
Nous verrons les règles de principe et les dérogations (I), puis les modalités de mise en œuvre et les sanctions attachées à la mise en concurrence du contrat de syndic (II).
I – REGLES DE PRINCIPE ET DEROGATIONS
Il convient tout d’abord de définir ce qu’il faut entendre par la « désignation » du syndic.
- Définition de la désignation du syndic
Il s’agit de savoir si, par l’emploi du terme « désignation », le renouvellement du syndic en place est ou non également concerné par les dispositions de l’article 21 précité.
Or, la loi du 10 juillet 1965 ne distingue pas selon qu’il s’agit de la première désignation du syndic et ou des désignations suivantes.
Le mot « renouvellement » n’apparaît en effet jamais dans la loi ; celle-ci utilise en effet toujours le terme désignation, que le syndic soit ou non en place.
Il en résulte que la « désignation » d’un syndic, auquel l’article 21 de cette loi se réfère, ne peut que concerner également le renouvellement du mandat du syndic.
Dès lors, ces dispositions instaurent une concurrence forcée, voire une sorte de défiance permanente envers le syndic de copropriété en place.
De plus, ces nouvelles règles sont d’une application pratique d’autant plus difficile que les possibilités de dérogation sont extrêmement limitées.
- Les dérogations
- a) Principes :
Deux dérogations sont prévues.
Tout d’abord, il n’y a pas de mise en concurrence, ce qui relève de l’évidence, lorsqu’il n’y a pas de conseil syndical.
De même, lorsque le « marché local » des syndics ne le permet pas, le conseil syndical peut ne pas procéder à cette mise en concurrence.
La notion de « marché local » ne permettant pas une mise en concurrence n’est cependant pas définie par la loi.
Elle semble concerner certaines zones géographiques dans lesquelles l’insuffisance du nombre de professionnels créerait, de fait, une situation de quasi-monopole.
- b) Mise en œuvre :
Dans l’hypothèse d’insuffisance du nombre de professionnels, l’article 21 précité précise que le syndic notifie alors aux copropriétaires la proposition émanant du conseil syndical de ne pas procéder à la mise en concurrence.
Cette notification aux copropriétaires doit s’effectuer dans un délai permettant de demander au syndic d’inscrire à l’ordre du jour l’examen des projets de contrats de syndic.
L’article 21 dispose que la proposition du conseil syndical de ne pas procéder à cette mise en concurrence ne fait cependant pas l’objet d’une question inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale.
Il en résulte donc nécessairement que ce n’est pas l’assemblée générale qui tranche la question de l’absence de mise en concurrence mais bien le conseil syndical lui-même.
Pour autant, le syndic doit notifier cette proposition selon le formalisme attaché aux notifications par la loi du 10 juillet 1965, c’est-à-dire par lettre recommandé avec avis de réception, par télécopie avec récépissé ou, désormais, par voie électronique.
Cette notification doit intervenir dans un délai suffisant pour permettre aux copropriétaires d’inscrire à l’ordre du jour l’examen des contrats qu’ils proposent.
Or, on voit mal quel délai serait nécessaire aux copropriétaires leur permettant de trouver un contrat de syndic à inscrire à l’ordre du jour dans une zone géographique où précisément les professionnels sont censés être en nombre insuffisant.
En effet, d’après l’article 21 précité, a contrario, en dehors de cette hypothèse limitée à certaines zones géographiques, le conseil syndical doit procéder à cette mise en concurrence.
Cependant, l’article 21 de la loi précitée se contente de dire que la mise en concurrence est effectuée par le conseil syndical, tout en restant muet sur les modalités de sa mise en œuvre.
- Organe titulaire de la mise en concurrence
D’après l’article 21 précité, l’assemblée générale appelée à se prononcer sur la désignation du syndic est précédée d’une mise en concurrence de plusieurs projets de contrat de syndic effectuée par le conseil syndical, sans plus d’indication.
Ainsi, le conseil syndical doit-il effectuer une mise en concurrence sans que les modalités en soient cependant définies.
L’article 21 de la loi précise ensuite que le conseil syndical peut donner son avis écrit sur tous les projets de contrat de syndic.
Cet avis écrit n’est cependant pas obligatoire et ce n’est que s’il émet cet avis que « celui-ci est joint à la convocation de l’assemblée générale avec les projets de contrats concernés ».
Il résulte donc de ce texte que les projets de contrats proposés par le conseil syndical sont joints à la convocation de l’assemblée générale.
Or, cette indication semble être en contradiction avec les dispositions du même texte qui précisent que la mise en concurrence est effectuée par le conseil syndical et non par l’assemblée générale.
En effet, l’article 21 prévoit expressément qu’ »au cas où l’assemblée générale est appelée à se prononcer sur la désignation d’un syndic, celle-ci est précédée d’une mise en concurrence de plusieurs projets de contrat de syndic (…), effectuée par le conseil syndical (…) ».
C’est donc au conseil syndical qu’il appartient d’effectuer cette mise en concurrence et non à l’assemblée générale, d’après ce texte, puisque la mise en concurrence précède l’assemblée générale et est « effectuée » par le conseil syndical.
Il devrait alors en résulter que les projets de contrat transmis à l’assemblée générale avec l’avis écrit éventuel du conseil syndical seraient la conséquence de la mise en concurrence faite par le conseil syndical ayant débouché positivement, c’est-à-dire ayant donné lieu à un choix du conseil syndical transmis à l’assemblée générale pour validation.
La mise en concurrence serait donc faite en amont de l’assemblée générale et l’on pourrait dès lors considérer que, dans certains cas, le conseil syndical pourrait ne pas aboutir à trouver un syndic susceptible d’être retenu par concurrencer le syndic en place.
Cet échec pourrait résulter d’un refus, d’un oubli ou bien d’une comparaison à l’avantage du syndic en place, le choix étant fait par le conseil syndical en charge de cette mise en concurrence.
Pour autant, en l’état des textes, la mise en concurrence étant obligatoire, sauf exception tenant à l’insuffisance du « marché local », le conseil syndical ne pourrait être admis à oublier ou refuser et l’on peut même s’interroger sur la possibilité pour le conseil syndical d’arbitrer seul à l’avantage du syndic en place dans sa procédure de mise en concurrence.
II – MODALITES DE MISE EN CONCURRENCE ET SANCTIONS
Les modalités de la mise en concurrence sont d’autant plus difficiles à définir que le conseil syndical est lui-même un organe rarement pourvu de règles d’organisation et de fonctionnement.
- Absence de règle d’organisation et de fonctionnement du conseil syndical
En pratique, on voit mal ce qui pourrait constituer la preuve de la réalité de cette mise en concurrence dont on ignore, par ailleurs, de quelle façon celle-ci pourrait être satisfaite.
On rappellera en effet que les règles d’organisation et de fonctionnement du conseil syndical ne sont pas prévues par la loi du 10 juillet 1965.
En effet, d’après la loi précitée, à défaut d’être prévues par le règlement de copropriété, ces règles sont fixées par l’assemblée générale à la majorité de l’article 24 de la loi.
Or, les assemblées générales statuent rarement sur ce point, bien que les règlements de copropriété soient généralement muets sur le sujet.
Ce n’est donc que de façon tout à fait informelle que les conseils syndicaux prennent le plus souvent leurs décisions.
Dans ces conditions, le plus souvent, le conseil syndical sera amené à effectuer la mise en concurrence du contrat de syndic de manière totalement informelle.
Or, le flou total qui en résulte est d’autant plus préjudiciable qu’il existe un risque de sanctions en l’absence de mise en concurrence qui sera évoquée ci-après (infra).
Cependant, en dehors même des difficultés résultant de l’absence de règles concernant le fonctionnement du conseil syndical, on peut s’interroger sur la façon dont le conseil syndical pourrait effectuer cette démarche afin de satisfaire aux conditions d’une réelle mise en concurrence.
- Notion de mise en concurrence par le conseil syndical
La notion de mise en concurrence du contrat de syndic n’a pas été définie par la loi ALUR du 24 mars 2014.
L’on pourrait donc se référer à la définition donnée par l’article 19-2 du décret du 17 mars 1967 pris en application de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965, concernant l’assemblée générale.
Cet article prévoit que l’assemblée générale peut fixer les conditions de la mise en concurrence.
A défaut, celle-ci résulte de la demande de plusieurs devis ou de l’établissement d’un devis descriptif soumis à l’évaluation de plusieurs entreprises.
Bien que le contrat de syndic soit précisément exclu de ce texte, en raisonnant par analogie, on pourrait en déduire que l’assemblée générale pourrait être admise à fixer les conditions de la mise en concurrence par le conseil syndical.
Par ailleurs, le texte de l’article 21 de la loi évoquant plusieurs projets de contrat, il suffirait donc de deux contrats à savoir, par exemple, le contrat de syndic en place s’il se représente et celui d’un autre syndic, pour satisfaire aux dispositions de la loi.
A cet égard, on citera un arrêt récent de la Cour de cassation du 15 avril 2015 indiquant, dans une espèce concernant la mise en concurrence du prestataire en place avec une entreprise concurrente, qu’il est satisfait aux conditions de mise en concurrence avec le seul devis de l’entreprise concurrente, du moment que l’assemblée générale a connaissance du contrat de l’entreprise qu’elle souhaite remplacer.[1]
Pour autant, rien ne permet de déterminer la forme que devra prendre cette mise en concurrence.
En effet, doit-on se contenter d’une demande de devis émanant du représentant du conseil syndical, demande à laquelle il pourrait cependant pas avoir été répondu ?[2]
Doit-on exiger une décision du conseil syndical à la suite de la réception du devis sollicité sachant, comme évoqué plus haut, qu’en l’absence de règles concernant le fonctionnement du conseil syndical, il sera difficile d’apporter la preuve d’une quelconque décision ?
Au contraire, la mise en concurrence doit-elle nécessairement résulter de la communication d’un deuxième devis notifié avec la convocation de l’assemblée générale appelée à statuer sur la nomination du syndic, sans que le conseil syndical ait pris une quelconque décision préalablement ?
Si telles étaient les exigences des textes, on observera que la mise en concurrence serait alors effectuée par l’assemblée générale et non pas par le conseil syndical, ce qui serait contraire aux dispositions de l’article 21 précité.
Ces interrogations sont d’autant plus pernicieuses que des sanctions peuvent être attachées au défaut de mise en concurrence.
- Sanctions éventuelles à défaut de mise en concurrence
Il convient de savoir si l’absence de mise en concurrence par le conseil syndical entraîne ou non un risque de sanction et, si oui, lesquelles.
Aucune sanction expresse n’a été prévue par la loi ALUR.
Cependant et dans la mesure où la loi du 10 juillet 1965 est une loi d’ordre public, le non-respect des règles édictées par la loi du 10 juillet 1965 entraîne ipso-facto le risque d’annulation de la décision qui serait prise par l’assemblée générale en contradiction avec les règles applicables, en vertu de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965.
En conséquence, il semble bien que les copropriétaires puissent se fonder sur l’absence de mise en concurrence par le conseil syndical du contrat de syndic pour solliciter l’annulation de la décision portant sur sa nomination.
Pour autant, le nouveau texte permet toutefois parallèlement aux copropriétaires de solliciter l’inscription à l’ordre du jour des projets de contrat de syndic.
De surcroît, si le conseil syndical propose de ne pas procéder à la mise en concurrence, cette proposition est alors notifiée aux copropriétaires dans un délai leur permettant de demander au syndic d’inscrire à l’ordre du jour l’examen des projets de contrat de syndic.
On peut cependant douter, en l’état des textes actuels, que ces éléments soient suffisants pour éviter une annulation si le conseil syndical proposait de ne pas procéder à cette mise en concurrence, alors que le marché local le permettrait.
Il y aurait risque d’annulation également si le syndic ne notifiait pas la proposition du conseil syndical de ne pas procéder à cette mise en concurrence lorsque cette proposition est possible (insuffisance du « marché local ») ou s’il ne la notifiait pas aux copropriétaires dans un délai suffisant (mais quel délai le serait-il ?) pour permettre aux copropriétaires de demander au syndic d’inscrire à l’ordre du jour l’examen des projets de contrats de syndic.
- Le projet de loi pour la croissance et l’activité dit loi « Macron »
Conscient de l’importante des difficultés pratiques causées par la mise en concurrence, le législateur a accepté d’amender la loi.
Cependant, l’actuel projet de loi pour la croissance et l’activité, dite loi « Macron » n’est, en l’état, pas satisfaisant puisque la mise en concurrence par le conseil syndical n’est, dans la version issue de l’Assemblée Nationale en première lecture, ni supprimée ni correctement définie, sa fréquence en étant seulement limitée.[3]
De plus, le projet de loi adopté en première lecture au Sénat est encore plus maladroitement rédigé même si, selon cette version, le conseil syndical peut, dans certaines conditions, être dispensé par l’assemblée générale d’effectuer la mise en concurrence.[4]
On ne peut donc qu’espérer une intervention législative mieux adaptée.[5]
Laurence GUEGAN
Avocat à la cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit immobilier
[1] Cass. 3e civ. 15 avril 2015, n° 14-13.255 – Cf. infra
[2] par analogie, cf. Cass; 3e civ. 27 nov. 2013, n° 12-26.395, Bull. civ. III, n° 153
[3] Le début du troisième alinéa de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 serait ainsi rédigé :
« Lorsque le syndic en fonction a été désigné deux fois consécutivement, le conseil syndical peut procéder à une mise en concurrence de plusieurs projets de contrat de syndic avant la tenue de la prochaine assemblée générale appelée à se prononcer sur la désignation d’un syndic (…) ».
[4] Le troisième alinéa de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 serait ainsi rédigé :
« Tous les trois ans, le conseil syndical procède à une mise en concurrence de plusieurs projets de contrat de syndic avant la tenue de la prochaine assemblée générale appelée à se prononcer sur la désignation d’un syndic, sans préjudice de la possibilité, pour les copropriétaires, de demander au syndic l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale de l’examen des projets de contrat de syndic qu’ils communiquent à cet effet. Toutefois, le conseil syndical est dispensé de procéder à cette mise en concurrence lorsque l’assemblée générale annuelle qui précède celle appelée à se prononcer sur la désignation d’un syndic après mise en concurrence obligatoire décide à la majorité de l’article 25 d’y déroger. Cette question est obligatoirement inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale concernée ».
2° Le quatrième alinéa est supprimé. »
[5] Ces dispositions sont actuellement soumises à une commission mixte paritaire qui doit se réunir le 3 juin 2015.