La responsabilité du syndic depuis la loi ALUR
INTRODUCTION
La loi ALUR du 24 mars 2014 ayant augmenté, notamment aux termes de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le nombre d’obligations imposées au Syndic, les hypothèses où sa responsabilité sera susceptible d’être mise en jeu s’en trouvent nécessairement accrues.
Or, l’analyse de la responsabilité du Syndic s’inscrit dans un double contexte tout à la fois juridique d’une part, sociologique et psychologique d’autre part.
Ce second aspect sera évoqué ici pour mémoire. Il mériterait sans doute un développement spécifique.
L’essentiel est de rappeler que la mise en jeu de la responsabilité du Syndic est, en fait, révélatrice et caractéristique d’une tendance qui se manifeste de manière de plus en plus sensible, tendance selon laquelle les consommateurs n’hésitent pas à rendre comptable les prestataires de services de la moindre erreur, omission ou négligence qui aurait pu être commise.
Cette tendance vise des professions multiples et diverses telles que les notaires, médecins, huissiers, architectes, experts comptables, avocats ou bien sûr professionnels de l’immobilier.
Les Syndics sont d’autant plus amenés à subir les foudres de leurs mandants qu’ils doivent tenir compte d’une complexité croissante de la législation qu’ils sont tenus de rapidement assimiler, traiter et utiliser étant rappelé si besoin est, que la copropriété par exemple est un champ clos où se livre souvent des joutes sans merci dont le Syndic est fréquemment amené à faire les frais.
Nous esquisserons donc ici les tendances actuelles concernant la responsabilité du Syndic, étant précisé qu’une nouvelle tendance se fait jour qui aggrave la responsabilité des professionnels et qui a pour dénomination « devoir de conseil ».
La jurisprudence sur le devoir de conseil a débuté il y a plusieurs décennies et s’est appliquée comme on l’a vu, plutôt aux professions d’expertise (notaire, expert-comptable, avocat).
Aujourd’hui, le Syndic se voit également appliquer cette jurisprudence qui a pour corollaire d’obliger le professionnel à connaître de façon experte « une législation de plus en plus complexe » surtout, et c’est souvent le cas, pour les Syndics auxquels on demande en réalité d’être expert en tout … architecture, technique de structure du bâtiment, de surcroît, un juriste expert.
Nous verrons tout d’abord la responsabilité classique du Syndic (1), puis son obligation de conseil (2), enfin les hypothèses où sa responsabilité sanctionne une obligation de résultat (3).
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- RESPONSABILITE CLASSIQUE DU SYNDIC
Il convient de rappeler que le Syndic de copropriété n’est pas un mandataire banal.
En effet, il tient son statut non pas seulement des dispositions du Code Civil qui régissent le mandat, à savoir les articles 1992 et suivants, mais aussi et surtout de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 qui énumère ses prérogatives.
En application tant des règles du mandat que des dispositions de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le Syndic n’est pas tenu dans son principe à une obligation de résultat.
Sa responsabilité est susceptible d’être mise en jeu, seulement dans le cadre d’une obligation de moyen, c’est-à-dire d’une obligation de prudence, de diligence et de vigilance.
Il doit exécuter en bon père de famille les tâches qui lui sont confiées et qui sont strictement définies par la loi.
- Hypothèses de responsabilité du Syndic
Il n’est même pas envisageable de vouloir établir une liste exhaustive de tous les cas où la responsabilité civile d’un Syndic est susceptible d’être engagée.
Les circonstances peuvent être nombreuses et il faut s’en tenir aux cas les plus fréquents retenus par la jurisprudence.
Plus généralement, les cas de responsabilité correspondent très précisément à l’ensemble des obligations du Syndic.
Il s’agit de l’avers et du revers de la médaille.
La responsabilité du Syndic est, en fait, le négatif du film des obligations qui pèsent sur le mandataire du Syndicat.
On peut distinguer trois types d’erreurs :
- les imprudences, négligences ou fautes d’inattention,
- l’excès de pouvoir,
- les omissions.
1) Imprudences et négligences
En ce qui concerne le premier cas (imprudences, négligences ou fautes d’inattention), il s’agit là des erreurs le plus souvent reprochées au Syndic.
- Assurance du Syndicat :
C’est ainsi qu’il doit souscrire une police d’assurance qui garantisse suffisamment les risques auxquels l’immeuble est exposé.
La loi ALUR a introduit un nouvel article 9-1 dans la loi du 10 juillet 1965, précisant que chaque Syndicat de copropriétaires est tenu de s’assurer contre les risques de responsabilité civile dont il doit répondre.
De surcroît, le nouvel article 9-1 impose également à chaque copropriétaire l’obligation de s’assurer contre des risques de responsabilité civile dont il doit répondre, que ce soit en qualité de propriétaire occupant ou de propriétaire non occupant (lorsqu’il loue son lot).
Or, aucune sanction n’a été prévue par ce texte pour le cas où cette obligation d’assurance du copropriétaire ne serait pas respectée.
Pour autant, selon une partie de la doctrine[1], il appartiendrait au Syndic de vérifier que chaque copropriétaire a bien souscrit une assurance selon les termes de la loi.
Selon cette thèse, en l’absence de tout contrôle, le Syndic engagerait sa responsabilité, dans la mesure du préjudice causé par le défaut d’assurance.
On peut bien évidemment aussi lui faire grief de ne pas avoir déclaré suffisamment tôt un sinistre, et par conséquent, d’encourir des prescriptions.
- Assurance dommages-ouvrage
Le Syndic est responsable lorsqu’il n’a pas proposé à l’Assemblée la souscription d’une assurance « dommages-ouvrage », en cas de travaux nécessitant la souscription d’une telle assurance (Rép. min. 18 août 1980 : JOAN, p. 3504, n° 30685, codifiée aux articles L 111-30 du Code de la construction et de l’habitation).
Il en est ainsi, par exemple, de travaux d’étanchéité d’une terrasse (CA Paris, 23ème ch. B, 18 mai 2000 : Loyers et copr. 2000, comm. 258).
On rappellera :
- que la réalisation de travaux sur existant, même s’il s’agit de travaux d’entretien sans adjonction d’éléments nouveaux, implique la souscription d’une assurance dommages-ouvrage : c’est à l’assemblée qu’il incombe ou de non de contracter cette assurance.
- si l’assemblée ne prend pas de décision ou prend une décision négative, le Syndic ne peut être personnellement recherché devant la juridiction pénale pour infraction aux dispositions de l’article L 111-30 du Code de la construction et de l’habitation.
On rappellera également que la règlementation n° 18 de la Commission de la copropriété prévoit dans le détail les recommandations sur le contrat d’assurance dommages-ouvrage.
Pour autant, rien n’indique comment procéder en cas de refus de l’assemblée générale de contracter une assurance dommages-ouvrage pourtant obligatoire.
2) Excès de pouvoir
On peut lui reprocher aussi d’excéder ses pouvoirs.
C’est le cas lorsqu’il commande des travaux qui ne sont pas du menu entretien ou qui ne sont pas caractérisés par l’urgence destinés à préserver la sauvegarde de l’immeuble et que ces travaux ont été commandés, payés et réalisés sans l’accord préalable de l’Assemblée Générale.
Il en va de même, s’il passe des commandes pour des travaux excédant ceux limitativement décidés par le Syndicat ou s’il règle aux entreprises des sommes supérieures à celles prévues au marché initial approuvé par l’Assemblée.
Et même en cas de travaux urgents, il y a nécessité de réunir une Assemblée pour confirmer l’initiative prise par le Syndic de son propre chef.
De même, toute autorisation donnée par le Syndic seul à un copropriétaire pour que celui-ci exécute des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, sans que l’Assemblée ait été consultée, engendre la responsabilité du Syndic puisqu’il outrepasse ses pouvoirs.
Dans le même cadre de l’excès de pouvoirs, il est rappelé qu’un Syndic ne peut engager une action judiciaire sans, conformément à l’article 55 du décret de 1967, y avoir été préalablement autorisé spécialement par une délibération d’Assemblée Générale.
L’introduction d’une action judiciaire, sans que ce préalable exigé par l’article 55 ait été respecté, suscite inévitablement un risque de mise en cause de responsabilité.
L’article 31 du décret du 17 mars 1967 indique que le Syndic engage et congédie le personnel employé par le Syndicat et fixe les conditions de son travail suivant les usages locaux et les textes en vigueur.
De son côté, l’assemblée générale a seule qualité pour fixer le nombre et la catégorie des emplois.
Ainsi, le Syndic engage sa responsabilité pour excès de pouvoir s’il décide à la place de l’assemblée générale de fixer le nombre et la catégorie des emplois.
3) Omission
En ce qui concerne les fautes d’omission :
Le Syndic doit, en règle générale, prendre les mesures urgentes pour assurer la sauvegarde de l’immeuble et la sécurité de ses occupants et informer l’Assemblée Générale de l’urgence attachée à la réparation d’éléments d’équipement communs et, plus généralement de parties communes.
Il dispose, à cet égard, de pouvoirs d’initiative dans le cadre de sa mission d’administration et de conservation de l’immeuble tels que résultant de l’article 18 de la loi.
Il lui appartient à cet égard d’intervenir rapidement auprès de techniciens compétents pour apporter remède, sans délai, aux désordres qui ont été constatés.
Toute défaillance à l’occasion de ce type d’obligations implique inévitablement la mise en jeu de la responsabilité du Syndic, et celle-ci a d’ailleurs été souvent retenue à propos d’accidents survenus dans un ascenseur ou dans des escaliers.
Il s’agit d’ailleurs, à l’occasion, pas seulement de responsabilité civile, mais également de responsabilité pénale.
Mais la responsabilité n’est retenue que si le Syndic a commis une faute personnelle, caractérisée, dans l’exercice de son mandat, le Syndic, rappelons-le, étant tenu dans le principe à une obligation de prudence, mais non une obligation de résultat.
Le Syndic doit veiller au respect du règlement de copropriété et des conditions de jouissance des parties communes.
Dès lors, il doit accomplir toutes diligences pour faire cesser les infractions au règlement de copropriété.
Il doit donner, par exemple, les instructions pour éviter le stationnement illicite de véhicules de certains copropriétaires dans les cours communes et plus généralement l’encombrement des parties communes.
Le Syndic a, en quelque sorte, bien que le terme soit impropre juridiquement, un pouvoir et même un devoir de police.
Si ces interventions restent sans effet, il doit saisir l’Assemblée Générale pour qu’elle l’habilite afin d’introduire une action judiciaire.
Par ailleurs, le Syndic est chargé d’exécuter les décisions du Syndicat sans qu’il ait, bien entendu, à se faire juge de leur opportunité ou de leur légalité.
A cette occasion, s’il s’aperçoit que, lors des débats, une résolution est susceptible d’être adoptée dans des conditions qui peuvent s’avérer illicites, intervient alors ce qu’on appelle son devoir de conseil.
- DEVOIR DE CONSEIL DU SYNDIC
Le Syndic est un professionnel, spécialiste de la copropriété.
Il se doit impérativement d’éclairer aussi bien le Conseil Syndical que l’Assemblée Générale, ceci de manière à ce que les décisions soient prises en temps utile, afin d’assurer la sauvegarde des intérêts de la copropriété en ce qui concerne, en particulier, l’opportunité ou la nécessité d’engager des travaux, d’introduire des actions judiciaires, de faire procéder ou non à la vente d’un lot, etc … , les copropriétaires, à cette occasion, veulent recueillir, et c’est bien normal, des certitudes.
Il ne saurait se contenter d’approximation.
Le conseil doit donc être, sinon infaillible, du moins très proche de l’exactitude.
Si le conseil donné par le Syndic s’avère, finalement, erroné, malhabile ou incomplet, il lui en sera fait grief et sans doute à juste titre, d’où l’intérêt pour le Syndic tout d’abord de mettre à jour en permanence ses connaissances dans le cadre, notamment, de l’évolution de la législation ou de la jurisprudence.
Il doit aussi s’entourer de Conseils, de techniciens, entreprises, bureaux d’études, d’architectes, avocats etc …, sachant que les honoraires sont à la charge du syndicat des copropriétaires.
A défaut, il pourra lui être reproché, à l’occasion d’un cas épineux ayant engendré un dommage pour la copropriété, de ne pas avoir pris les mesures qui s’imposaient et de pas s’être entouré de toutes les précautions requises et d’avoir pris une décision malencontreuse.
La sanction commerciale s’ajoute, là encore, à la sanction civile.
En matière de résolution d’Assemblée Générale, si le Syndic s’aperçoit, que lors des débats, une résolution est susceptible d’être adoptée dans des conditions qui peuvent s’avérer illicites, son devoir de conseil lui impose d’attirer l’attention des copropriétaires sur les risques qu’ils encourent et, dans la pratique, il devra prendre soin, alors, de faire noter au procès-verbal ses observations, ceci de manière à ce que l’on ne lui reproche pas d’avoir, en quelque sorte, par son silence, entériné les égarements de l’Assemblée Générale .
Le Syndic ne doit pas non plus oublier de conseiller d’engager une procédure à l’encontre des constructeurs dans le cadre d’une garantie biennale et décennale si des malfaçons affectent l’immeuble après sa construction ou après que des travaux soumis à de telles garanties aient été exécutés.
- OBLIGATIONS DE RESULTAT
Souvent, le Syndic est tenu d’une obligation de résultat, il en est ainsi par exemple de la transmission des archives au nouveau Syndic désigné.
Il en est de même dans le cadre des Assemblées Générales où le Syndic doit accomplir toutes les formalités relatives à la convocation, à la tenue de l’Assemblée et aux obligations consécutives relatives notamment à la notification du procès-verbal.
Toute nullité éventuelle des résolutions votées découlant de fautes commises par le Syndic, entraîne la responsabilité de celui-ci.
De même, il en va aussi, depuis la loi ALUR du 24 mars 2014 ayant ajouté cette obligation aux termes de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, de l’établissement et de la mise à jour du carnet d’entretien et, bien entendu comme auparavant puisque cette obligation figurait déjà dans le décret du 17 mars 1967, de le tenir à la disposition des copropriétaires.
Ainsi, selon la doctrine[2], si le carnet d’entretien n’était pas régulièrement et complètement tenu à jour et que l’acquéreur était, de ce fait, incomplètement ou faussement informé, la responsabilité du Syndic pourrait être engagée dans la mesure du préjudice causé.
Enfin, le Syndic a une nouvelle obligation de résultat concernant l’immatriculation des copropriétés depuis la loi ALUR du 24 mars 2014.
En effet, il appartient désormais au Syndic de réaliser les démarches prévues aux articles L 711-1 à L 711-6 nouveaux du Code de la construction et de l’habitation relatifs à l’immatriculation du syndicat des copropriétaires et donc d’immatriculer le syndicat qu’il est chargé d’administrer, de même que de communiquer les éléments permettant de tenir ce fichier à jour.
Afin de rendre effective l’obligation d’immatriculation et d’actualisation des données, la loi ALUR a prévu que le Syndic était condamné à une astreinte en cas de défaillance.
Pour autant, ces dernières dispositions ne sont pas d’application immédiate et restent dans l’attente du décret d’application selon le calendrier de mise en œuvre s’échelonnant entre le 31 décembre 2016 et le 31 décembre 2018, selon le nombre de lots de copropriété.
CONCLUSION
Quelques incertitudes demeurent sur la responsabilité du syndic au regard des nouvelles dispositions introduites par la loi ALUR du 24 mars 2014, dans la loi du 10 juillet 1965.
Il en va ainsi, notamment, de l’absence de vérification par le syndic de la souscription, par les copropriétaires individuels, d’une assurance en qualité de propriétaire occupant ou en qualité de propriétaire non occupant et ce, en cas de sinistre non garanti.
En dehors de ces hypothèses, il apparaît que les risques de mise en cause de la responsabilité du syndic vont nécessairement s’accroître dans la mesure de l’augmentation des obligations souscrites par celui-ci, dans le cadre de la loi, lesquelles sont aujourd’hui considérablement renforcées.
Laurence GUEGAN
Avocat à la cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit immobilier
[1] Lafond J. et Roux J.-M., Code la copropriété 2015, p. 106.
[2] Lafond J. et Roux J.-M., Code la copropriété 2015, p. 229.