Opposabilité au syndicat de la cession d’une fraction d’un lot divisé malgré l’absence d’approbation de la nouvelle répartition des charges
Cass. 3e civ, 7 févr. 2019, n° 17-31.101, P+B
Copropriété • Division d’un lot • Aliénation séparée • Opposabilité au syndicat des copropriétaires • Approbation de la nouvelle répartition des charges • Assemblée générale
Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 – Article 11 – Décret n° 67-223 du 17 mars 1967 – Article 6 – Code civil – Article 1134, ancien
Le Lamy Droit immobilier 2018, nos ……
L’opposabilité au syndicat des copropriétaires de la cession d’une fraction d’un lot divisé n’est pas subordonnée à l’approbation par l’assemblée générale de la nouvelle répartition des charges.
Cette décision constitue un revirement de jurisprudence.
Chaque copropriétaire est en effet libre de diviser son lot sans solliciter l’autorisation de l’assemblée générale, dès lors que la subdivision n’est pas contraire à la destination de l’immeuble1.
La cession des fractions de lot en résultant s’exerce également librement.
Toutefois, en application de l’article 11, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 19652, la répartition des charges entre les nouveaux lots, effectuée par le copropriétaire du lot initial, doit faire l’objet d’une approbation par l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires, si le règlement de copropriété n’a rien prévu à cet égard.
S’agissant d’une approbation et non d’une autorisation, cette résolution est soumise à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, par dérogation à la règle de l’unanimité régissant la modification de la répartition des charges.
Il s’agit seulement de permettre au syndicat des copropriétaires d’avoir connaissance et de prendre acte de la nouvelle répartition des charges entre les fractions, laquelle n’a pas d’incidence sur la répartition globale, le total des quotes-parts des nouveaux lots devant rester inchangé3.
Or, par deux arrêts du 2 février 2005, la Cour de cassation décidait qu’à défaut d’approbation de la nouvelle répartition des charges par l’assemblée générale, la cession des lots provenant de la subdivision n’était pas opposable au syndicat des copropriétaires, ce qui entraînait l’irrégularité de l’assemblée générale à laquelle les copropriétaires cessionnaires avaient participé4.
Cette sanction était d’autant plus rigoureuse que la répartition des charges entre les lots n’intéresse pas le syndicat des copropriétaires dès lors que les critères de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 sont respectés5.
En l’espèce, l’assemblée générale n’avait pas été consultée et n’avait donc pas approuvé la répartition des charges entre les fractions de lot issues de la division.
En conséquence, le syndicat des copropriétaires sollicitait le paiement de la totalité des charges de copropriété arriérées auprès de l’ancien copropriétaire du lot initial, comme si la cession n’avait pas eu lieu.
Se conformant à la jurisprudence précitée6, les juges du fond y avaient fait droit en relevant que l’approbation de la répartition des charges par l’assemblée générale n’ayant pas été sollicitée, la cession était inopposable au syndicat des copropriétaires, de sorte que seul l’ancien copropriétaire restait débiteur de la totalité des charges du lot d’origine.
Mais la Cour de cassation censure ici la cour d’appel, au visa de l’article 11 précité, de l’article 6 du décret du 17 mars 19677 et de l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 20168.
Elle décide au contraire qu’en vertu de ces textes, l’opposabilité au syndicat des copropriétaires de la cession d’une fraction d’un lot subdivisé n’est pas subordonnée à l’approbation par l’assemblée générale de la nouvelle répartition des charges.
La Haute juridiction relève en effet qu’en application de l’article 6 du décret précité, la notification au syndic du transfert de propriété des fractions du lot subdivisé avait eu lieu en l’espèce et que cette notification rendait la cession opposable au syndicat des copropriétaires.
Il en résultait, selon la Cour de cassation, que les acquéreurs des nouveaux lots étaient devenus copropriétaires et étaient, à ce titre, seuls tenus du paiement des charges échues à compter de la notification.
Cette décision confirme, s’il en était besoin, que la notification du transfert de propriété d’un lot ou d’une fraction de lot effectuée auprès du syndic conformément à l’article 6, entraîne nécessairement l’opposabilité, au syndicat des copropriétaires, de la cession intervenue.9
Cet arrêt ajoute cependant que l’opposabilité résultant de la notification intervenue s’exerce sans exception possible.
Ainsi, désormais, le défaut d’approbation de la répartition des charges entre les lots issus d’une subdivision ne pourra plus être sanctionné par l’inopposabilité de la cession dès lors que le transfert de propriété aura été notifiée au syndic conformément aux dispositions de l’article 6 du décret du 17 mars 1967.
On peut donc cependant s’interroger sur la persistance ou non d’une sanction éventuelle en cas d’absence d’approbation par l’assemblée générale de la répartition des charges entre les fractions de lot.
Celle-ci sera différente selon que le défaut d’approbation résultera d’un refus ou d’un défaut de saisine de l’assemblée générale.
Dans le premier cas en effet, l’article 11, alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit qu’« à défaut de décision de l’assemblée générale modifiant les bases de répartition des charges », tout copropriétaire peut saisir le tribunal de grande instance afin de fixer la nouvelle répartition.
Or, selon la jurisprudence10, à défaut d’avoir sollicité au préalable une décision de l’assemblée générale, la saisine du tribunal est prématurée, celle-ci n’étant que supplétive.
Ce n’est donc qu’en cas de refus d’approbation de l’assemblée générale que la demande de répartition judiciaire peut être formée dans le délai de deux mois de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 suivant la notification du procès-verbal.
Mais, en vertu de l’arrêt ici commenté, à défaut de saisine de l’assemblée générale approuvant la nouvelle répartition, le syndicat des copropriétaires ne pourra plus ignorer la cession intervenue.
Il devrait néanmoins pouvoir solliciter la condamnation au paiement de la totalité des charges afférentes au lot initial auprès de l’un quelconque des copropriétaires cessionnaires ou de la totalité d’entre eux, pris solidairement, en ignorant non plus le transfert de propriété mais seulement la subdivision du lot d’origine.
Telle était en effet la solution dégagée par un arrêt de la Cour de cassation de 1999, où le syndicat des copropriétaires avait été admis à poursuivre le paiement de la totalité des charges arriérées correspondant au lot initial auprès d’un seul des nouveaux copropriétaires11.
Cette solution, cohérente, ne devrait pas être remise en cause par la décision ici commentée.
« Sur le premier moyen :
Vu l’article 11 de la loi du 10 juillet 1965 et l’article 6 du décret du 17 mars 1967, ensemble l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu qu’il résulte de ces textes que l’opposabilité au syndicat des copropriétaires de la cession d’une fraction d’un lot divisé n’est pas subordonnée à l’approbation de la nouvelle répartition des charges par l’assemblée générale ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 3 octobre 2017), que, par acte du 31 janvier 2007, dressé par Mme X, notaire, la SCI GRM (la SCI), propriétaire du lot n° 309, dans un groupe d’immeubles soumis au statut de la copropriété, a divisé son lot ; que, le 12 mars 2012, l’administrateur provisoire de la copropriété a reçu du notaire la notification de la cession des lots issus de cette division ; qu’assignée en paiement d’un arriéré de charges de copropriété par le syndicat des copropriétaires l'[…], la SCI a appelé en garantie Mme X ;
Attendu que, pour accueillir la demande en paiement d’un arriéré de charges, l’arrêt retient que la SCI ne pouvait diviser le lot n° 309 et vendre les nouveaux lots ainsi constitués sans respecter les dispositions combinées de l’article 11, deuxième alinéa, de la loi du 10 juillet 1965 et 74 du règlement de copropriété selon lesquelles, en cas d’aliénation séparée d’une ou plusieurs fractions d’un lot, la répartition des charges entre ces fractions est soumise à l’approbation de l’assemblée générale, de sorte que, la SCI n’ayant pas fait inscrire à l’ordre du jour d’une assemblée générale la demande de nouvelle répartition des charges, la division du lot n° 309 était inopposable au syndicat et la SCI reste débitrice de la totalité des charges dues par le propriétaire de ce lot avant sa division ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la notification au syndic du transfert de propriété de fractions d’un lot divisé le rend opposable au syndicat des copropriétaires et donne ainsi aux acquéreurs la qualité de copropriétaires, tenus au paiement des charges de la copropriété à compter de la notification, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS,
CASSE ET ANNULE, mais seulement (…) ».