Travaux irréguliers du syndic et préjudice du syndicat
Cass. 3e civ., 23 janv. 2020, n° 18-21.357, D
Copropriété • Syndicat des copropriétaires • Syndic • Pouvoir propre • Travaux irréguliers • Travaux urgents • Préjudice • Réfection de la loge-gardien • Coût des travaux
Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 – Article 18 – Décret n° 67-223 du 17 mars 1967 – Article 37
Le Lamy Droit immobilier 2019, n° 5255
La cour d’appel peut estimer le préjudice du syndicat au montant des dépenses irrégulièrement engagées par le syndic qui, sans autorisation de l’assemblée générale, a fait procéder aux travaux de réfection de la loge permettant l’embauche immédiate d’un nouveau gardien.
En application de l’article 18 de la loi du 10 juillet 19651, le syndic est chargé d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et « en cas d’urgence de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ».
Les travaux justifiés par l’urgence pour la sauvegarde de l’immeuble peuvent donc être réalisés par le syndic sans autorisation préalable de l’assemblée générale.
L’article 37 du décret du 17 mars 19672 réglemente les conditions dans lesquelles le syndic exerce son pouvoir propre en prévoyant que « lorsqu‘en cas d’urgence, le syndic fait procéder de sa propre initiative à l’exécution des travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, il en informe les copropriétaires et convoque immédiatement une assemblée générale ».
Le caractère d’urgence est apprécié strictement et soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond.
En l’espèce, la Cour d’appel de Versailles avait décidé que les travaux de réfection de la loge de gardien permettant l’embauche immédiate d’un nouveau salarié logé ne revêtaient pas un caractère d’urgence ; il en résultait que le syndic ne pouvait en décider seul, même avec l’accord du conseil syndical, lequel n’avait d’ailleurs pas reçu de délégation à cet effet.
La Cour d’appel avait en effet précisé que, bien que la remise en état de la loge était rendue nécessaire par les dispositions de la Convention collective des gardiens, concierges et employés d’immeubles, les travaux litigieux n’étaient cependant pas engagés en raison d’une situation d’urgence pour la sauvegarde de l’immeuble et qu’en tout état de cause, même si tel avait été le cas, aucune assemblée générale n’avait été convoquée a posteriori pour régulariser la situation, en infraction avec les dispositions de l’article 37 du décret du 17 mars 1967.
Le fait qu’un appel d’offres ait été réalisé en accord avec le conseil syndical pour effectuer les travaux n’avait pas suffi à convaincre les juges du fond.
La cour d’appel avait en effet relevé que le syndic ne pouvait ignorer qu’il n’entrait pas dans les pouvoirs du conseil syndical d’engager, de sa propre initiative, des travaux pour lesquels il n’avait pas reçu de délégation de l’assemblée générale.
En conséquence, le syndic avait été condamné à rembourser le montant des travaux réalisés pour remettre la loge en état, soit plus de 40 000 euros.
Au soutien de son pourvoi, le syndic prétendait que le syndicat des copropriétaires n’établissait pas l’existence d’un préjudice en lien avec la faute commise, dans la mesure où il avait effectivement bénéficié des travaux de réfection de la loge.
Selon lui, la condamnation au remboursement de l’intégralité des travaux équivalait donc à un enrichissement sans cause.
La réparation du dommage, qui doit être intégrale, ne pouvait, toujours selon le syndic, excéder le montant du préjudice et le juge devait évaluer celui-ci en tenant compte de l’avantage retiré par le syndicat des travaux de réhabilitation de la loge.
La Haute juridiction avait en effet déjà eu l’occasion de prendre en compte l’efficacité de l’intervention du syndic malgré sa faute et l’absence, en conséquence, de préjudice pour le syndicat3.
Néanmoins, aux termes de l’arrêt ici rapporté, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
D’une part, elle relève que la faute du syndic a causé un préjudice au syndicat des copropriétaires en ce qu’il a été contraint de payer des dépenses non choisies tant dans leur principe que dans leur montant.
D’autre part, elle se retranche derrière le pouvoir souverain des juges du fond s’agissant du montant fixé au coût exact des travaux de remise en état de la loge.
Or, le principe des travaux était justifié par leur caractère obligatoire et la nécessité de les réaliser avant d’accueillir un nouveau gardien.
S’agissant du montant, la réparation d’un éventuel préjudice n’aurait dû consister qu’en la réparation d’une perte de chance de réaliser des travaux à moindre coût ou avec des entreprises différentes et n’aurait donc pas dû correspondre au montant total des travaux effectués.
Mais c’est l’absence de caractère urgent des travaux qui, semble-t-il, a prévalu ici, même si le syndicat des copropriétaires a ainsi bénéficié gracieusement de travaux obligatoires et indispensables.
1 L. n° 65-557, 10 juill. 1965, JO 11 juill.
2 D. n° 67-223, 17 mars 1967, JO 22 mars.
3 Cass. 3e civ., 9 févr. 2017 n° 15-25.572 ; Cass. 3e civ., 13 sept. 2018, n° 17-19.450.
« Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu que le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier (…) (le syndicat principal) a assigné la société (…), son syndic du 29 septembre 2011 au 12 juin 2012, en indemnisation de fautes commises dans l’exécution de son mandat ; que les syndicats des copropriétaires secondaires des bâtiments A et B, d’une part, des bâtiments C, D et E, de deuxième part, et des bâtiments F, G, H et I, de troisième part, sont intervenus volontairement à l’instance ;
Attendu que la société (…) fait grief à l’arrêt de la condamner à payer au syndicat principal une certaine somme à titre de remboursement de travaux irrégulièrement engagés ;
Mais attendu qu’ayant souverainement constaté, procédant à la recherche prétendument omise, que la faute de la société (…), consistant en un engagement de dépenses irrégulier, avait causé un préjudice au syndicat principal, qui avait été contraint de payer ces dépenses non choisies tant dans leur principe que dans leur montant, la cour d’appel a pu évaluer ce préjudice au coût des travaux irréguliers ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi (…) ».