Validité de la clause de solidarité entre nu-propriétaire et usufruitier
Cass. 3e civ., 14 avr. 2016, n° 15-12.545, P+B
Copropriété – Règlement de copropriété – Clause de solidarité – Action en paiement de charges – Nu-propriétaire – Usufruitier – Condamnation solidaire
Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 – Articles 10, 23 et 43 – Décret n° 67-223 du 17 mars 1967 – Article 6
Le Lamy Droit immobilier 2015, n° 5181
En cas de démembrement de la propriété d’un lot, la clause du règlement de copropriété instituant une solidarité entre le nu-propriétaire et l’usufruitier envers le syndicat des copropriétaires pour le paiement des charges, est licite.
Certains règlements de copropriété contiennent une clause de solidarité destinée à faciliter le recouvrement des charges en cas d’indivision ou de démembrement de la propriété d’un lot.
La clause instituant une solidarité présente en effet un grand intérêt pratique en cas d’indivision puisque le syndic peut, dès lors, solliciter le paiement de la totalité des charges dues au syndicat des copropriétaires, à l’encontre de l’un quelconque des indivisaires.
Il en est de même en cas de propriété démembrée, le nu-propriétaire et l’usufruitier étant chacun redevable de l’intégralité des charges de copropriété.
À défaut d’une telle clause, le syndic est en effet contraint de poursuivre chacun des coïndivisaires à hauteur de sa quote-part dans l’indivision et, en cas de démembrement de propriété, en fonction de la répartition des charges entre usufruitier et nu-propriétaire.
Dans ce dernier cas, la ventilation entre les différentes charges s’effectue en se référant au principe posé par les dispositions des articles 605 et suivants du Code civil, en distinguant les grosses réparations dont le nu-propriétaire est redevable et les charges relatives à la jouissance du lot, incombant à l’usufruitier.
Compte tenu des difficultés liées à cette répartition, la clause de solidarité prévue en cas de démembrement de propriété simplifie donc beaucoup le recouvrement des charges.
Après des hésitations, la jurisprudence a admis la licéité de la clause de solidarité en ce qui concerne l’indivision [1].
De même, la licéité de la clause de solidarité a été admise en matière de démembrement de propriété [2].
En l’espèce, la décision du juge de proximité contestée avait fait application de la clause de solidarité prévue au règlement de copropriété en cas de démembrement de la propriété d’un lot.
Le nu-propriétaire et l’usufruitier avaient ainsi été condamnés solidairement au paiement de l’intégralité des charges.
Le nu-propriétaire reprochait à cette décision d’avoir procédé à l’application de cette clause et, en conséquence, à sa condamnation solidaire en paiement de la totalité des charges de copropriété, sans procéder à la ventilation des charges entre l’usufruitier et le nu-propriétaire.
Il demandait que la clause de solidarité contenue au règlement de copropriété soit, en application des dispositions de l’article 43 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, réputée non écrite comme contraire aux dispositions impératives de la loi précitée et, en particulier, des articles 10 concernant les charges de copropriété et 23 concernant les dispositions relatives au démembrement de propriété.
Au soutien du pourvoi, il était précisé qu’aucune disposition de la loi du 10 juillet 1965 ne prévoyant l’existence d’une solidarité entre usufruitier et nu-propriétaire, la clause du règlement de copropriété ajoutait donc à la loi précitée.
Elle devait donc, en cela, être réputée non écrite.
À titre subsidiaire, le demandeur au pourvoi précisait qu’à supposer la clause licite, il n’en demeurait pas moins que le syndicat des copropriétaires ne pouvait s’en prévaloir pour s’abstenir de ventiler les charges entre l’usufruitier et le nu-propriétaire lorsque, comme en l’espèce, le syndic avait été informé préalablement du démembrement de propriété.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et décide que la clause de solidarité est licite.
La troisième chambre relève donc qu’en conséquence la juridiction de proximité n’était pas tenue de procéder à une recherche relative à la notification au syndic du démembrement de propriété compte tenu de l’existence et de la licéité de la clause de solidarité contenue au règlement de copropriété.
Il en résultait en effet qu’aucune ventilation des charges entre le nu-propriétaire et l’usufruitier n’était nécessaire puisqu’aussi bien l’un et l’autre étaient tenus du paiement de l’intégralité des charges dues au syndicat des copropriétaires.
Bien que constituant un arrêt de rejet, cette décision, publiée au Bulletin, constitue néanmoins un arrêt de principe confirmant la jurisprudence antérieure de la même chambre [3], laquelle n’avait cependant pas fait l’objet d’une publication similaire.
[1] Cass. 3e civ., 1er déc. 2004, n° 03-17.518, JCP N 2005, n° 13, p. 673, note Djigo A., Loyers et copr. 2005, comm. n° 36, obs. Vigneron G., Administrer févr. 2005, p. 53, note Bouyeure J.-R., ADJI 2005, p. 487, note Giverdon G ; Cass. 3e civ., 23 mai 2007, n° 06-13.459, Bull. civ. III, n° 82, Loyers et copr. 2007, comm. n° 158, note Vigneron G., JCP G 2007, n° 49, p. 20, obs. Périnet-Marquet H., AJDI 2008, p. 287, note. Capoulade P.
[2] Cass. 3e civ., 30 nov. 2004, n° 03-11.201, Administrer avr. 2005, N° 376, p. 34, obs. Bouyeure J.-R. ; CA Paris, ch. 23e B., 26 juin 2003, Administrer janv. 2004, N° 362, p. 37, note Alfandari E. ; CA Paris, pôle 4, ch. 2, 23 mars 2011, n° RG : 09/01664, Administrer juill. 2011, N° 445, p. 61, obs. Bouyeure J.-R.
[3] Voir note 2.
« Sur le premier moyen :
(…)
Mais attendu qu’ayant relevé que l’article 17 du règlement de copropriété prévoyait une clause de solidarité entre le nu-propriétaire et l’usufruitier et retenu à bon droit que cette clause était licite, la juridiction de proximité, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche relative à la notification au syndic du démembrement de propriété, en a exactement déduit que le nu-propriétaire et l’usufruitier étaient solidairement tenus du paiement des charges de copropriété envers le syndicat des copropriétaires ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; (…)
PAR CES MOTIFS,
REJETTE le pourvoi, (…) .
CASS. 3e CIV., 14 AVR. 2016, N° 15-12.545, P+B